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Discussion
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https://www.gnu.org/distros/common-distros.fr.html#Ubuntu :
« Ubuntu a des dépôts spécifiques pour les logiciels non libres. De plus, Canonical fait la promotion de logiciels non libres sous le nom d’Ubuntu dans certains de ses canaux de distribution. Ubuntu propose l’option d’installer uniquement des paquets libres, ce qui signifie qu’elle propose également l’option d’installer des paquets non libres. De plus, la version du noyau Linux présente dans Ubuntu contient des blobs de micrologiciel. »
La distribution Ubuntu est de fait une collection de logiciels, parmi lesquels une grande part répond à la définition de logiciel libre. Mais elle inclut et facilite également le recours à des éléments logiciels non-libres, notamment :
- Des blobs binaires (« micrologiciels » : séquences d’instructions pré-compilées) peuvent être inclus directement dans le noyau Linux. Ceux-ci concernent généralement la prise en charge de périphériques matériels (comme les cartes vidéo). Ces éléments logiciels ne sont ni libres, ni même open source dans certains cas (le code source n’est pas disponible).
- Différents codecs (bibliothèques d’encodage/décodage de médias numériques) propriétaires peuvent également être facilement installés. Dans certains cas, si le code source de ces codecs est effectivement ouvert, il est soit lié à des licences d’utilisation propriétaires restrictives, soit leur utilisation peut carrément être une violation explicite de brevets commerciaux.
- Ubuntu facilite l’installation d’autres logiciels propriétaires dont la licence n’est pas strictement libre.
Pourquoi ça importe ?
En décrivant le Forum Ubuntu en français de Québec Web carrément avec « Ubuntu est un système d’exploitation entièrement libre », je reproduisais sans m’en douter une confusion assez commune concernant ce qu’est le logiciel libre — au sens strict du terme. Concernant la différence entre logiciel libre et open source et pourquoi cela est important, référons-nous à l’excellent article du fondateur de la Free Software Foundation, Richard Stallman : En quoi l’open source perd de vue l’éthique du logiciel libre.
Un dangereux compromis
Je poursuis la description du forum Ubuntu avec ceci : « Cette distribution de Linux basée sur Debian vise à rendre Linux accessible au commun des mortels. » Ça me semble assez exact. Mais pourquoi Ubuntu (comme Debian) permet-il l’utilisation de composants logiciels non-libres ?
Au plan individuel ou institutionnel, il s’agit d’un compromis qui peut faciliter la prise en charge de certains matériels ou de certains codecs. Au premier abord, cela est simplement plus commode. Autoriser les logiciels non-libres au sein d’une distribution peut constituer un argument pour faciliter la transition d’un système d’exploitation propriétaire à un système d’exploitation libre, par exemple, et avoir tout compte fait un impact positif sur l’adoption du libre.
Mais cela vient avec un effet pervers au niveau du développement de l’écosystème open source, en introduisant des dépendances qui ne plaisent pas à la philosophie libre. Car en acceptant une telle dépendance à grande échelle envers ces composants propriétaires fermés (soit par obfuscation du code source, soit par contrainte légale de leur utilisation), on aggrave la tendance à freiner le développement d’alternatives réellement libres. Et cela représente un réel danger pour la liberté (Stallman) :
« Une certaine dose de l’approche « profil bas » avec les entreprises peut être utile pour la communauté, mais elle est dangereuse si elle devient si commune que l’amour de la liberté finit par ressembler à une excentricité. »
Le danger que représente toute dépendance au « bon vouloir » d’une entreprise privée est loin d’être une fabulation. Rappelez-vous de la « devise » de Google : « We Are not Evil »… Google est aujourd’hui (je n’hésite pas à l’affirmer) l’organe de censure le plus effectif que l’histoire n’ait jamais connu.
Il importe donc de demeurer conscients de nos dépendances techniques. La question de la liberté, en informatique comme ailleurs, est une vaste question éminemment dialectique qui ne doit pas se limiter au plan réduit de l’individu, de l’entreprise ou de l’institution.
« À l’origine, la principale motivation de ceux qui ont détaché le camp de l’open source du mouvement du logiciel libre était que les idées éthiques du « logiciel libre » mettaient certaines personnes mal à l’aise. C’est vrai : soulever des questions éthiques comme la liberté, parler de responsabilités aussi bien que de commodité, c’est demander aux gens de penser à des choses qu’ils préféreraient ignorer, comme de savoir si leur conduite est éthique ou non. Cela peut déclencher un malaise et certains peuvent simplement fermer leur esprit à ces questions. Il ne s’ensuit pas que nous devrions cesser d’en parler. »
Il s’agit là d’un thème récurrent quand on discute de liberté : si la voie de la liberté était effectivement plus commode dans l’immédiat que la voie de la soumission, qui continuerait d’accepter cette dernière ?
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