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« Celle-ci développe en effet un algorithme de recommandation collaboratif, qui recommande les vidéos en fonction de leur utilité publique et des jugements réfléchis des citoyens à leur égard, et non en fonction des agendas économiques ou politiques de l’entreprise privée qui possède la plateforme. »

Troquer la dictature économico-politique par une dictature démocratique des « citoyens réfléchis » ? On a un très bel aperçu de la tangente que ça promet depuis l’an de grâce 2020. Les bonnes intentions préfigurent toujours les pires atrocités.

Je ne dis pas que le problème n’existe pas : l’effet des technologies sur la structuration de la société est manifeste. Mais dès qu’on propose une solution de contrôle, on discute effectivement la question du pouvoir. Ici : le pouvoir de déterminer ce qui peut et ce qui ne devrait pas être largement diffusé. Et le pouvoir revient toujours, ultimement, à la partie qui arrive à rassembler les moyens de se l’accaparer — qu’on l’appelle pompeusement « démocratie » ou qu’on utilise quelque autre dénomination.

Penser que donner à l’État une quelconque portée sur le contrôle des algorithmes revient à renforcer l’illusion que l’État travaille pour la population qu’il administre. Les forces agissantes ne s’en verront jamais troublées. Au mieux, cela pourrait être instrumentalisé pour forcer dans les coulisses une restructuration des pouvoirs. Mais ça ne profitera jamais à l’émancipation de quiconque en bas de la pyramide.

J’ai l’air pessimiste, mais en fait c’est le contraire. S’imaginer créer un « monde meilleur » par un ensemble de règles opératoires appliquées universellement revient à considérer l’humain comme un automate, dont seul quelques exemplaires seraient doués de raison et capables de jugement éthique, de comprendre ce qui est bon et ce qui est mal pour chacun, d’endosser la responsabilité morale pour les masses ignorantes et vulnérables et en leur nom. Aussi, j’ai tendance à me méfier au plus haut point de ce genre de propositions.

Au contraire, je suis un partisan du libre arbitre. Pour chacun, selon sa capacité inhérente à l’exercer. Et je pense que rien de bon ne peut s’opérer sans la responsabilisation collective nécessaire, à une échelle praticable, et le développement commun des moyens de l’exercice réel d’un pouvoir sur notre propre devenir, sur la manière dont on décide de vivre nos vies.

Une telle démarche est antinomique à celle qui attend l’application d’une règle par une forme de pouvoir représentatif dont le partage « démocratique » est parfaitement illusoire. Je ne veux surtout pas être régulé. Je veux être réellement libre — ce qui implique minimalement l’exercice de la responsabilité.

Comme tu vois, ma critique demeure largement insuffisante : je ne résous pas le problème. Je tente simplement de l’appréhender dans son entièreté.